En cette année de cinquantième anniversaire de la marque, Jean-Claude Reynaud a décidé de déboucher le champagne acoustique. Pour fêter un demi-siècle d’existence, un nouveau modèle, Lucia, a vu le jour et pas moins de trois modèles emblématiques JMR ont été revisités par le concepteur. Parmi elles, l’Abscisse, sa toute première création, devient l’Abscisse Jubilé. Plus qu’un simple dépoussiérage, l’enceinte a subi un sérieux upgrade…
L’Abscisse Jubilé est une refonte globale de l’Abscisse. » Ce sont les mots du concepteur lui-même qui annonce ainsi la couleur. Avec ce nouveau modèle, car il faut bien appeler un chat, un chat, il est allé bien au-delà d’une belle peinture et d’une plaque dorée de commémoration comme se plaisent à le faire certains concurrents.
Chasse aux vibrations
L’idée était de créer une colonne la plus compacte possible et pouvant être installée avec le minimum de contrainte de positionnement pour l’utilisateur. Le fabricant a logiquement reconduit la ligne triangulaire accordée avec évent frontal ultra-silencieux, un principe de charge du grave initié par feu son père.
L’ébénisterie assemblée sous presse est réalisée en médite de 19 mm. L’arête arrière supérieure devient arrondie pour alléger l’esthétique, et le baffle support a ses arêtes latérales également arrondies comme sur l’Abscisse originelle, afin de limiter les effets de bords. Pas de mousse absorbante en interne, mais du matériau viscoélastique a été réparti sur les parois à partir d’expériences et de mesures, pour juguler les résonances et pour limiter les ondes stationnaires. Un joint amortissant en bitume est inséré entre l’enceinte et le socle rapporté à quatre réglables en hauteur.
Sophistication technique
L’Abscisse Jubilé est une deux-voies-et-demie à trois haut-parleurs. La recherche de la plus grande linéarité a conduit le constructeur à opter pour cette configuration avec un filtrage simplifié au maximum. Deux nouvelles unités de 14 cm traitent le grave et le médium.
La membrane est un sandwich en carbone pressé autour d’une fibre de cristaux liquides, sa forme en cône fermé la rend indéformable. La suspension en caoutchouc mousse garantit un travail pistonique sur de très forts débattements. Un matériau amortissant recouvre la jonction de la suspension et du cône pour atténuer le fractionnement.
Jusqu’à 350 Hz, les deux haut-parleurs travaillent ensemble puis le transducteur du bas est filtré au premier ordre. Le second continue jusqu’à 2 800 Hz avant d’être filtré à son tour à 12 dB/octave. C’est aussi la pente du filtre passe-haut qui libère alors le nouveau tweeter AMT à membrane plissée en silicone. Un pavillon en aluminium massif charge l’avant de la membrane plissée, une mousse acoustique périphérique absorbe les premières réflexions.
Le tweeter est découplé dans sa propre « boîte » en bois massif posée en haut de la colonne, boîte également découplée de l’ébénisterie par un matériau viscoélastique. Le filtre à deux cellules (grave et médium aigu) est installé dans un logement au cœur du pied de l’enceinte et englouti dans du bitume anti-microphonie. Les cellules assemblées à la main sont câblées en l’air. Elles sont séparées et blindées acoustiquement l’une par rapport à l’autre, leurs composants appariés avec une tolérance de 1 % (selfs de grave à ferrite en cuivre de grosse section, condensateurs à armatures en argent) ont été orientés pour atténuer les perturbations mutuelles. Le câblage interne JMR HP1132 aboutit sur deux paires de fiches haut-parleurs à straps filaires.
Fabrication et écoute
Construction : Les Abscisse Jubilé rappellent sans équivoque leurs aînées Abscisse premier cru. Dimensions similaires, disposition physique identique des haut-parleurs, fabrication toujours très soignée, finition encore plus contemporaine et assemblage ultra-précis, bref l’objet est très beau, très moderne. Toutefois l’esthétique ne se départit pas d’un certain classicisme qui indique clairement que le constructeur ne souhaite pas emboîter le pas de certains de ses confrères britanniques ou américains assez tournés vers le galbe et l’aluminium. Les Abscisse Jubilé rassurent et séduisent.
Composants : Le fabricant a privilégié la ligne triangulaire accordée, son principe de charge de prédilection qui permet une exploration profonde et vivace des soubassements. Des nouveaux transducteurs de haute volée et un filtrage aux petits oignons montrent et démontrent toute l’attention apportée par le concepteur à l’évolution Jubilé de ses Abscisse.
Grave : Sur nos pistes repères, le grave des Abscisse Jubilé descend vraiment très bas et avec du niveau. Limité en impact pur, le registre se montre en revanche très agile et très précis notamment sur les contours et sur le développement des notes. La contrebasse sur « Constantinople » tiré du Modern Cool de Patricia Barber est restituée avec une belle ampleur et un remarquable effet de présence, les vibrations des cordes et de la caisse de résonance de l’instrument dévoilent une rigueur extrêmement satisfaisante.
Médium : La richesse harmonique que nous offrent ces colonnes aboutit à une justesse et une structure de timbres de haute volée. Le message se propage de manière extrêmement fluide, extrêmement coulée, avec une déclinaison de détails harmoniques qui renforce sa compréhension, sa crédibilité et sa vivacité. La voix de la chanteuse helvète Sophie Hunger sur la piste « Le vent nous portera » est distillée avec une savoureuse impression de palpabilité, avec un relief assez magique qui insuffle de la chair et de l’os à l’écoute.
Aigu : Les Abscisse Jubilé ont troqué le ruban en aluminium de leurs aînées, principe réputé pour ses grandes qualités de finesse et de précision d’analyse, pour un tweeter AMT à diaphragme en silicone. Les premières impressions positives ressenties aux récentes journées JMR à l’hôtel Raphaël se sont confirmées. Le registre semble nourri d’un supplément de matière et de douceur tout en explorant l’extrême aigu avec une grande délicatesse. Le dégradé harmonique paraît subjectivement très complet et très cohérent en termes de rangs et d’amplitude. De ce fait, le rendu d’une cymbale ou d’un charleston (piste « Company » par Patricia barber) semble nettement moins éloigné du son réel, l’impression de « voir » l’instrument dans la pièce indique que l’analyse des Jubilé est dans le vrai.
Dynamique : Par leur excellente réactivité, les Abscisse Jubilé savent introduire les notions essentielles d’énergie et de rythme dans leur restitution. Quand le message se complexifie et que débarquent transitoires et impulsions, les colonnes conservent une maîtrise tonale assez spectaculaire, la lisibilité ne faiblit pas à bas comme à haut niveau d’écoute, et le déploiement harmonique reste intact et remarquable. Même si un impact de boule sur une grosse caisse reste un poil faible en puissance instantanée, on reconnaît chaque source sonore d’une performance par sa partition précisément modulée.
Attaque de note : Ces enceintes sont pétillantes à souhait et cette vivacité produit un cortège harmonique très fourni qui intensifie la définition et la crédibilité du message. Sur la piste « Moonlight on Spring River », la pipa de Zhao Cong nous a semblé moins crispée qu’à l’accoutumée grâce à un large éventail et des extinctions de notes documentées. L’instrument habituellement plus rude et plus vert a retrouvé de la matière et du soyeux.
Scène sonore : La présentation scénique développée par les Abscisse Jubilé est très aérée, très spatiale, très holographique, à un point tel que sur ce critère précisément, ces enceintes pourraient damer le pion à bien plus ambitieuses qu’elles. Sur la piste « Animal » par Francis Cabrel, on apprécie particulièrement l’ambiance confinée du studio, d’une part, et on désigne avec une facilité déconcertante la position de chaque musicien devant soi. L’image stéréo est incroyablement stable.
Transparence : L’équilibre tonal des JMR est très linéaire sans aucun accident subjectif. De plus, leur réponse en fréquence très étendue leur permet de reproduire un spectre audible très large et très homogène. L’absence de coloration révèle un message toujours aéré et fouillé. Chaque piste donne lieu à une ambiance, à une atmosphère, à un son qui ne donne jamais l’impression d’être réinterprété par ces enceintes subtiles et neutres.
Rapport qualité/prix : Pour un produit doté d’autant de qualités, fussent-elles objectives (travail technologique colossal) ou subjectives, le prix de vente des Abscisse Jubilé est plus que raisonnable et fondamentalement justifié.
Verdict
Jean-Claude Reynaud s’était distingué avec les Abscisse, il confirme haut la main avec les Abscisse Jubilé. Remarquablement fabriquées et mises au point, elles surpassent leur modèle en dispensant un message musical étonnamment juste et enjoué. Justesse des timbres, holographie de la scène sonore, équilibre tonal remarquable, tous les ingrédients sont réunis pour une restitution à très forte teneur en réalisme, sans oublier leur prix extrêmement attractif dans cette gamme d’enceintes. Une vraie réussite.
Fiche technique
Origine : France
Prix : 5 800 euros
Dimensions : 200 x 1 150 x 300 mm
Réponse en fréquences : 35 Hz – 28 kHz
Impédance nominale : 4 ohms
Sensibilité : 90 dB/2,83 V/m
Puissance recommandée : 40 W - 250 W
Finition : noir satiné, blanc perle et gris anthracite nacré